Choix du canton et de la commune

En Suisse, la charge fiscale peut varier de façon significative selon le canton, la commune et votre situation personnelle. Contrairement à d’autres pays où la fiscalité est principalement nationale, la Suisse fonctionne selon un système fédéral : l’impôt est prélevé à trois niveaux – fédéral, cantonal et communal. Cette structure entraîne des écarts importants d’un lieu à l’autre.

Il ne s’agit pas seulement d’un sujet théorique. Le choix de votre domicile fiscal peut avoir des conséquences concrètes sur votre budget annuel, qu’il s’agisse de votre revenu, de votre fortune, ou même de vos projets d’héritage. Dans cet article, nous vous expliquons pourquoi et comment le choix du canton influence vos impôts, avec des exemples chiffrés concrets pour mieux comprendre l’impact réel.

Une fiscalité fragmentée : trois niveaux d’imposition

Le premier niveau est l’impôt fédéral direct (IFD), appliqué uniformément dans tout le pays. Il reste relativement modéré. En revanche, les impôts cantonaux et communaux – fixés librement par chaque canton et chaque commune – varient fortement. Les taux, les barèmes, les déductions possibles et les seuils changent d’un canton à l’autre, voire d’une commune à l’autre dans le même canton.

C’est pour cette raison que deux personnes vivant à quelques kilomètres de distance peuvent avoir des situations fiscales très différentes malgré des revenus et patrimoines similaires.

Exemple concret : célibataire sans enfant avec 120 000 CHF de revenu annuel

Prenons l’exemple d’un salarié célibataire, sans enfants, avec un revenu annuel brut de 120 000 CHF. Sa charge fiscale annuelle globale (impôt fédéral, cantonal et communal inclus) varie fortement selon le canton :

  • Zoug (commune de Baar) : environ 10 000 CHF d’impôts

  • Schwyz (commune de Freienbach) : environ 11 000 CHF

  • Vaud (Lausanne) : environ 19 500 CHF

  • Neuchâtel : environ 22 000 CHF

  • Jura (Delémont) : environ 23 500 CHF

Entre le canton de Zoug et celui du Jura, la différence dépasse 13 000 CHF par an, soit plus de 1 000 CHF par mois. Cela représente une part significative du revenu disponible.

Exemple avec une famille : couple marié, deux enfants, 180 000 CHF de revenu

Les familles bénéficient généralement de déductions fiscales spécifiques : enfants à charge, frais de garde, formation post-obligatoire, etc. Voici les estimations pour un couple marié avec deux enfants :

  • Zoug (commune de Steinhausen) : environ 6 500 CHF d’impôts

  • Fribourg (ville de Fribourg) : environ 12 000 CHF

  • Genève (ville de Genève) : environ 18 000 CHF

Encore une fois, à revenus identiques, le couple domicilié à Zoug paiera près de trois fois moins d’impôts qu’à Genève.

Classement des cantons selon leur fiscalité

Les cantons les plus avantageux fiscalement pour les personnes physiques sont :

  • Zoug : souvent cité comme le canton le plus fiscalement favorable, avec des taux très bas sur le revenu et la fortune.

  • Schwyz : fiscalité très basse, notamment pour les hauts revenus.

  • Nidwald, Obwald et Appenzell Rhodes-Intérieures : taux bas, bonne attractivité fiscale.

À l’inverse, les cantons à fiscalité plus lourde sont :

  • Jura : impôt sur le revenu et la fortune élevé.

  • Neuchâtel : fiscalité historiquement lourde, même si des efforts de réforme sont en cours.

  • Genève : fiscalité élevée, compensée en partie par des salaires souvent plus élevés.

Fiscalité sur la fortune : des écarts parfois sous-estimés

La Suisse applique un impôt annuel sur la fortune nette, ce qui est rare en Europe. Le taux et le seuil d’exonération varient selon le canton. Voici un exemple :

Un contribuable disposant de 2 millions de francs de patrimoine net (biens immobiliers, titres, etc.) :

  • Paiera environ 3 000 CHF à Zoug

  • Paiera plus de 15 000 CHF dans le canton de Vaud

Cela représente 12 000 CHF de différence, chaque année. Cette charge fiscale sur la fortune doit donc être anticipée, surtout pour les personnes fortunées ou les propriétaires immobiliers.

Impôt sur les successions et donations : un sujet souvent négligé

En cas d’héritage ou de donation, les règles changent d’un canton à l’autre. Dans certains cantons, les héritiers directs (conjoints, enfants) sont exonérés, mais dans d’autres, des impôts significatifs peuvent s’appliquer à certains héritiers.

Par exemple :

  • Dans le canton de Vaud, les enfants sont exonérés, mais les frères, sœurs, neveux et amis peuvent être imposés à des taux allant jusqu’à 50 %.

  • Dans le canton de Zoug, les successions sont généralement exonérées, même pour des héritiers non directs.

Avant d’effectuer une donation ou de préparer une succession, il est important d’analyser l’impact du canton.

Fiscalité des entreprises : un enjeu stratégique pour les sociétés

Les différences de taux d’imposition des entreprises sont également significatives. Le taux d’imposition global sur les bénéfices (impôt fédéral, cantonal et communal combinés) est :

  • 11,8 % à Zoug

  • 12,3 % à Lucerne

  • 13,8 % dans le canton de Vaud

  • 14 % à Genève

Cela explique pourquoi de nombreuses entreprises nationales et internationales choisissent d’implanter leur siège dans les cantons à faible fiscalité.

Changer de canton pour payer moins d’impôts ? Une stratégie à envisager avec prudence

Certaines personnes envisagent de déménager dans un autre canton pour optimiser leur charge fiscale. Cela peut être judicieux dans certains cas, mais il ne faut pas baser sa décision uniquement sur les impôts. Il faut également prendre en compte :

  • Le coût du logement

  • La distance par rapport au lieu de travail

  • La qualité des services publics (écoles, transports, santé)

  • Les aides sociales et les subsides (notamment pour les primes d’assurance maladie)

  • La vie sociale, culturelle et la qualité de vie en général

Un gain fiscal ne compense pas toujours un quotidien plus difficile ou des coûts cachés plus élevés.

Et les frontaliers ? Une situation particulière

Les contribuables domiciliés en Suisse et travaillant à l’étranger (ou inversement) sont soumis à des règles spécifiques issues des conventions fiscales internationales. Par exemple, les frontaliers genevois ou vaudois travaillant en France doivent respecter des règles précises d’imposition. Là encore, le canton de résidence joue un rôle central dans la répartition de l’impôt.

Conclusion : une optimisation à adapter au cas par cas

Le choix du canton est un élément clé dans la gestion de sa fiscalité. À revenu égal, deux contribuables peuvent payer des impôts radicalement différents selon leur lieu de résidence. Toutefois, une analyse personnalisée est nécessaire pour prendre une décision éclairée. Ce n’est pas uniquement une question de taux d’imposition, mais d’ensemble de paramètres : famille, patrimoine, entreprise, qualité de vie, mobilité, etc.

Comprendre les différences cantonales permet d’éviter de mauvaises surprises et d’envisager des solutions concrètes pour alléger sa charge fiscale de façon légale et stratégique.